L'Europe mise son avenir sur la biomasse
L'économie biobasée, qui conçoit la production de biens à partir
de biomasse plutôt quà partir de matière fossile pourrait générer des centaines de milliers d'emplois supplémentaires en Europe d'ici 2O3O. Son développement passe aussi par la Belgique, notamment par la Bio Base Europe Pilot Plant de Gand.
de biomasse plutôt quà partir de matière fossile pourrait générer des centaines de milliers d'emplois supplémentaires en Europe d'ici 2O3O. Son développement passe aussi par la Belgique, notamment par la Bio Base Europe Pilot Plant de Gand.
Quel est le point commun entre un litre de carburant,
un flacon de lessive et un sac plastique ? Une question qui vaut son
pesant d'or... Ces trois types de biens peuvent être conçus entièrement
ou partiellement sans passer par de la matière première fossile, comme
le pétrole, mais en partant de la biomasse. Amidon de pomme de terre,
algues et pulpe de betterave sont en effet autant de composantes
potentielles pour créer de nouveaux produits. Ceux-ci rentrent alors
dans le champ de ce qu'on appelle dans le jargon «l'économie bio-basée,
ou la bio-based economy, qui englobe l'ensemble des processus allant de la production de biomasse à la mise en vente de biens biobasés.
Mise à l'échelle, il ne faut pas s'y tromper: l'économie biobasée est déjà une économie du présent.
Située
en pleine zone portuaire de Gand, la Bio Base Europe Pilot Plant en est
une des incarnations au niveau européen. L’objectif de cette
d'incubateur industriel unique en Belgique, opérationnel depuis 2O12 (et
qui ne compte que cinq équivalents sur le continent), est justement
d'accélérer sensiblement le passage de nouvelles découvertes à un stade
de production industriel.
Cuves
de fermentation et de purification et autres caissons résistants aux
explosions, tout le matériel nécessaire est mis à disposition pour
martyriser (ou bichonner, c'est selon) biologiquement, chimiquement ou
physiquement la biomasse.
Grâce à cet équipement
dernier cri, les entreprises ou initiatives qui ont développé en
laboratoire des nouvelles solutions biobasées peuvent venir tester leur
«mise à l'échelle» en vue d'amorcer le lancement d'une phase
industrielle.
Ainsi, plutôt que de construire des
sites de production miniatures, coûteux et condamnés à l'obsolescence,
une entreprise peut confier les tests de mise à l'échelle à la Pilot
Plant et, en cas d'expérience concluante, brandir les résultats pour
aller chercher les sources de financement nécessaire au lancement de la
phase industrielle.
« Je
dis toujours, si vous cherchez à aller au Brésil, vous n'achetez pas un
avion, vous réservez une place dans l'avion, explique Brecht Vanlerberghe, à la tête du département Recherche & Développement du centre.
En
général, les entreprises qui font appel à nos services estiment
qu'elles économisent grâce à nous entre 75 et 100 % des coûts de
développement.»
Ce qui n'empêche pas la
structure sans but lucratif, créée avec Ie soutien de la Flandre et de
fonds européens, de brasser elle aussi beaucoup de valeur dans ses
cuves. Elle affiche 7 mil- lions d'euros de chiffre d'affaires annuel et
compte 67 employés qui se relaient 24h/24 et 7 jours sur 7, sur le
site.
3,3millions d'emplois
Outre
les nobles perspectives en matière de développement durable,
l'opportunité économique incarnée par l’industrie biobasée a quelques
arguments de poids à mettre dans son côté de la balance. «Aujourd'hui,
sur les 28 Etats de l'UE, l'économie biobasée assure 3,3 millions de
jobs directs et un chiffre d'affaires cumulé de 674milliards d'euros. Et
ce qui est attractif pour le business, c'est qu'elle fait partie des
secteurs qui offrent une croissance à deux chiffes (11%, Ndlr)» sur base d'une étude menée à partir de données Eurostat.
Ce
résultat est accéléré par le Bio Base Industry Join Undertaking (BBI
JU) un partenariat public-privé créé en 2014 par la Commission
européenne et le Bio-based Industries Consortium (BIC), vaste groupement
de grandes entreprises, de PME, d'universités et d'institutions de
recherche.
L’objectif de cette structure: mettre à
disposition via des appels à projet une réserve de 3,6milliards d'euros
(1 milliard financé par l'Europe pour 2,6milliards par le privé)
destinée à financer des projets ambitieux en la matière et de faire
avancer la technologie.
Parmi
les 65 initiatives déjà soutenues à coup de millions par le BBI JU
(dont 33 incluant des partenaires belges), on retrouve, par exemple, le
projet Pulp2Value, qui vise à bio-raffiner de la pulpe de betterave, résidu de la production de sucre.
A
partir de cette matière première, il est en effet possible d'en
extraire des composés permettant le développement de détergents, de
matériaux composites ou de produits cosmétiques.
Mené
par la coopérative agro- industrielle néerlandaise Royal Cosun, 1e
projet en cours est également héberge par le Bio Base Europe Pilot Plant
de Gand, partenaire du consortium.
«Grâce à ce
procédé, la pulpe de betterave offre entre 20 et 50 fois plus de valeur
ajoutée que si elle était destinée à l'alimentation d'élevage, estime
Brecht Vanlerberghe.
La
Commission européenne aurait donc de bonnes raisons de ranger les
technologies bio-basées parmi les six technologies-clés qui changeront
la face de l'industrie européenne, à I'instar, par exemple, des
nanotechnologies. «Elle a fait une analyse d'impact sur l’incidence
attendue de ces investissements, poursuit Philippe Mengal, Directeur du
BBI JU. Il est ressorti que le secteur des industries bio-basées allait
créer 700.000 emplois à l'horizon 2030 et que dans ces emplois, 80%
seraient basés en zone rurale.
L’intérêt
des multinationales témoigne quant à lui d'un souci d'amorcer avec une
longueur d'avance l'ère post- pétrole. Pas forcément reconnus comme des
hérauts mondiaux de l'écologie, Total, AB InBev, ou encore le géant
américain de la chimie DuPont sont pourtant tous des membres du
consortium.
Green premium
Alors l'Europe, championne du monde ?
Pas
si vite. Même si les investissements tendent à revenir sur son
territoire selon le BBI JU, de sérieux concurrents, comme le Brésil et
les pays de l'Asie du Sud-Est qui peuvent notamment compter sur une
production massive d'huile de palme, pèsent sur la carte mondiale.
Parmi
les enjeux, il faut veiller à garder un équilibre entre la production
alimentaire et industrielle. «Au Brésil par exemple, cette problématique
n'existe pas, souligne Philippe Mengal. Les Brésiliens peuvent encore
augmenter leur production de canne à sucre pour faire du bioéthanol et
ne vont absolument pas manquer de ressources pour nourrir leur
population. L’Europe, elle a ces contraintes-là».
Et
puis, il y a également le prix du baril de pétrole, relativement bas,
qui empêcherait certains produits biobasés d'être concurrentiels sur le
marché. " On voit pas mal de cas ou le produit biobasé peut être moins
cher qu'une alternative pétrole, relativise le CEO du BBI JU. Regardez
les matériaux à base de bois et de fibres, ou encore les emballages à
base de papier et de carton, le fait que des composantes de produits
automobiles soient déjà éla- borées à partir de produits biobasés...
« Maintenant,
c'est vrai que le prix du baril étant ce qu'il est aujourd'hui, il est
difficile de faire ce qu'on appelle des copycats, c'est-à-dire des
produits équivalents mais biobasés, c’est pour cela qu’à l’heure
actuelle une majorité de I'industrie se développe en apportant des
nouvelles fonctionnalités. »
Reste
que dans le fond, l'avenir que prendra l'industrie biobasée passe aussi
par le consommateur. Est-il prêt à payer davantage pour avoir ce qu'on
appelle le green premium, c'est-à-dire pour avoir sa bouteille de soda
produite à base de biomasse? A voir.
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