Protéines pour l'alimentation animale
February 9, 2018
Mohammed Melhaoui, Patrick de Jamblinne
Une biotech française boucle une levée de 15 millions d'euros. La matière première qu'elle produit se destine à nourrir les poissons élevés en aquaculture.
C'est une matière première et, comme
toutes les autres, celle produite par InnovaFeed varie en fonction de la
demande. De ce point de vue, la biotech française paraît plutôt bien
embarquée… Son marché, la production de protéines à base d'insectes à
destination de l'aquaculture , devrait atteindre 60 millions de tonnes
par an d'ici à 2030 et une vaste majorité des spécialistes prévoit un
déficit de production dans les années à venir.
Cette
perspective a convaincu plusieurs investisseurs de boucler une levée de
fonds de 15 millions d'euros dont le premier objectif est de permettre
l'extension de sa première usine de production basée dans le Nord de la
France. Le fonds d'impact Alter Equity est l'un des financeurs aux
côtés de trois fonds régionaux (Finovam, IRD - Nord Creation et Siparex)
et d'entrepreneurs comme Philippe Van Der Wees ou Benjamin
Cardoso . « La présence de ces investisseurs, notamment les fonds
régionaux, témoigne de notre ancrage local, estime Bastien Oggeri,
cofondateur d'Innovafeed. Ils ont compris que dans la chaîne de
production en aquaculture, la valeur se situe à 60 % au niveau de
l'aliment que nous produisons. »
Des insectes à la farine animale pour nos gallinacés.
L'alternative aux farines animales
Contrairement
au marché de l'alimentation humaine, celui de la production
industrielle animale est mûr pour y intégrer des produits à base
d'insectes. « Avec ce type de production, nous sommes sur une boucle
durable, car nous fonctionnons en circuit court en nous fournissant au
plus proche de nous », précise Bastien Oggeri. Le startuppeur loue la
capacité des insectes à pouvoir extraire les protéines de tout type de
biomasse, comme les déchets, permettant ainsi de les réintroduire dans
la chaîne alimentaire. Il a donc choisi le Hermetia Illucens, une sorte
de mouche déjà connue pour sa capacité à aider au recyclage des
détritus. Cette technique s'impose également comme une alternative
crédible aux farines de poissons principalement pêchés en Amérique du
Sud et qui nourrissent habituellement les poissons élevés en
aquaculture, dont l'exploitation menace les réserves de poissons
sauvages.
1.000 tonnes par an de capacité de production
Pour
assurer son développement, InnovaFeed doit désormais aller vite et
faire face à une concurrence grandissante, notamment en Asie. « En
Europe, nous sommes quelques producteurs à être montés au créneau pour
sensibiliser les décideurs sur ce mode de production et même si nous
sommes concurrents, nous avons conscience des enjeux et avançons
ensemble », assure Bastien Oggeri. 80 % des protéines consommées sur le
continent sont importées et il devient stratégique pour l'UE de rétablir
rapidement un équilibre et de réglementer ce marché.
L'usine
actuelle de la biotech française produit 300 tonnes par an et son
extension devrait permettre d'atteindre les 1.000 tonnes d'ici au début
de l'été prochain. De quoi envisager de pouvoir répondre à la demande
intérieure donc, mais aussi à celle en provenance des autres continents.
Le Maroc et le Nigéria se sont déjà positionnés comme des acteurs
importants de l'aquaculture et augmentent rapidement leurs capacités de
production, entraînant une demande très forte d'aliments pour nourrir
les poissons. Une autre perspective qui devrait sans doute convaincre
toute la filière de s'armer encore plus rapidement pour répondre à cette
demande exponentielle.
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